Neurobiologie de l'amour et de l'intimité

Neurobiologie de l'amour

Un nouveau chapitre scientifique s'ouvre sur la neurobiologie qui sous-tendent l'expérience de l'amour, de l'intimité et de la reproduction. Les différentes formes d'expression de l'amour sont explorées, mettant en évidence son rôle dans la protection, la sécurité et le plaisir. Bien que l'amour soit souvent considéré comme une spécificité humaine, des processus neurobiologiques similaires sont partagés avec d'autres mammifères.

Neurobiologie de l'intimité, de l'amour

Au cœur de cette exploration se trouve le système nerveux autonome (SNA). L'évolution du SNA a permis l'émergence de trois sous-systèmes émotionnels. Il joue un rôle clé dans les processus amoureux et reproductifs. La théorie polyvagale propose un modèle explicatif très intéressant à ce sujet. Selon cette théorie, les transitions phylogénétiques du système nerveux sont liées à deux phases des événements amoureux. C'est-à-dire une phase d’attraction, caractérisée par des comportements de cour et de séduction. Et une phase passionnelle et d'établissement de liens durables. La théorie polyvagale met en évidence ces transitions phylogénétiques du SNA. La communication entre l'hypothalamus et les noyaux bulbaires, via les voies de l'ocytocine et de la vasopressine, y joue un rôle crucial. Elles favorisent le rapprochement physique et les rapports sexuels éventuels. Ces sujets sont détaillés dans les paragraphes suivants.

L'évolution selon l'approche polyvagale

L'évolution du système nerveux autonome (SNA) a permis l’émergence des trois sous-systèmes émotionnels décrits précédemment. Bien que reconnaissant le modèle du cerveau triunique proposé par MacLean (1990), la théorie polyvagale souligne le changement de structure et de fonction des structures phylogénétiquement plus primitives. Cet ajustement phylogénétique du SNA représente une exaptation (un changement de fonction) de certaines structures pour permettre l'expression des émotions en situation de sécurité ou d'intimité. Les anciens arcs branchiaux, propres aux vertébrés primitifs, ont ainsi évolué pour devenir des structures transmettant l'état émotionnel via les expressions faciales, la gestuelle, le langage, et la voix.

Les deux voies vagales

La théorie polyvagale met l'accent sur les transitions phylogénétiques du SNA. Consécutivement à l’évolution des mammifères, la régulation vagale des viscères est assurée par deux voies. Le circuit vagal ventral (voies efférentes myélinisées) qui prend naissance dans le noyau ambigu (NA). Un noyau positionné ventralement au noyau moteur dorsal du vague (NMDV). Le circuit vagal ventral est décrit comme le complexe vagal ventral (CVV). En revanche, le circuit vagal dorsal est partagé par la plupart des vertébrés. Il est décrit comme le complexe vagal dorsal (CVD). En synergie avec le système nerveux sympathique, ces deux circuits vagaux forment un système de régulation hiérarchisé des organes viscéraux.

Des réponses hiérarchisées

La théorie polyvagale met en évidence une stratégie de réponse hiérarchisée face aux défis environnementaux. Les structures les plus récentes sont employées les premières (le CVV), et les plus primitives (le CVD) en dernier. Cependant, la réponse ne dépend pas de la loi du tout-ou-rien, et peut comporter diverses combinaisons entre les limites des trois sous-systèmes émotionnels. Ces combinaisons de transition dépendent à la fois de la rétroaction viscérale et des structures cérébrales supérieures. Ces dernières sont informées par les voies de l’ocytocine (OXT) et de la vasopressine (AVP). Elles établissent une communication entre l'hypothalamus et les noyaux bulbaires à l’origine du nerf vague. Certains états et comportements spécifiques dépendent ainsi de l'activation de plus d'un sous-système émotionnel. Par exemple, l'excitation sexuelle (à travers ses expressions faciales et vocales) ainsi que le rougissement, la sudation et la tachycardie, reflète une activation mixte du CVV et du SNS.

Neurobiologie de l'amour entre humains

Cette stratégie de réponse hiérarchisée peut s’appliquer au comportement social humain, comme par exemple dans les stratégies de recherche d’un partenaire. Notre approche amoureuse débute généralement par une communication qui s'exprime à travers des expressions faciales et des vocalisations, une stratégie à faible coût métabolique. Cette stratégie de sélection du partenaire a l’avantage de limiter la vulnérabilité et le risque, en permettant à chacun des partenaires de basculer rapidement l’engagement et le désengagement (c’est à dire parler d'abord, écouter ensuite ; avancer, puis, reculer). Utilisée de manière appropriée, la communication induira la disponibilité, favorisera le rapprochement, et éventuellement les rapports sexuels. Cette approche peut se solder au contraire par un refus, par un échec, induire un éloignement et la recherche d’un autre partenaire.

En cohérence avec la dissolution jacksoniènne

Cette stratégie de réponse hiérarchisée basée sur la phylogénèse. Elle est cohérente avec le concept de dissolution jacksonien, expliquant les maladies du système nerveux, proposé par John Hughlings Jackson. Jackson indiquait que « les fonctions nerveuses supérieures inhibent (ou modulent) les fonctions inférieures. Donc, lorsque les fonctions supérieures sont soudainement rendues inopérantes, les fonctions inférieures augmentent d'activité. » La théorie polyvagale propose également la notion de dissolutio. Mais comme une stratégie de réponse aux différents défis, plutôt qu'en réponse à une maladie ou à un traumatisme cérébral.

Quand ça ne passe pas

Le CVV, avec ses mécanismes de signalisation et de communication, représente la réponse initiale à l'environnement. Le CVV inhibe, au niveau du cœur, les fortes réponses de mobilisation du SNS. Le retrait du CVV, conformément au principe jacksonien, se traduit par une désinhibition du contrôle sympathique du cœur. De manière similaire, le retrait du tonus sympathique se traduit par une désinhibition du contrôle du CVD sur le tractus gastro-intestinal, et une vulnérabilité des bronches et du cœur. Si l'activité du CVD n'est pas contrée, ceci peut entraîner différentes conséquences cliniques comme l'apnée, la bradycardie, et l’émission de selles. Ainsi, lorsque tout le reste échoue, le système nerveux adopte une solution métaboliquement conservatrice qui est adaptative pour les vertébrés primitifs. Malheureusement elle est potentiellement mortelle pour les mammifères.

Conclusion

Notre compréhension des mécanismes neurophysiologiques de l'amour et de l'intimité continue de progresser. Il est passionnant de penser à l'impact potentiel que cela pourrait avoir sur notre compréhension de nous-mêmes. En comprenant ces bases biologiques, nous pouvons mieux apprécier les liens profonds que nous formons avec les autres. En somme, l'étude des mécanismes neurophysiologiques de l'amour, de l'intimité et de la reproduction nous éclaire sur les fondements biologiques de ces expériences. Elle met en évidence l'importance de la neurobilogie comme base dans la régulation des comportements sociaux et de l'attachement. Nous sommes en mesure d'approfondir notre compréhension des interactions humaines et d'envisager de nouvelles perspectives pour améliorer notre santé.